Paris, nouvelle capitale mondiale de l’hôtellerie de luxe

Paris, nouvelle capitale mondiale de l’hôtellerie de luxe

Affectée par la crise économique et les attentats, l’hôtellerie de luxe parisienne a retrouvé des couleurs en 2017. Et les perspectives d’avenir seraient prometteuses pour ce secteur qui a su se réinventer pour mieux supporter la concurrence.

Avec la réouverture de plusieurs établissements de renom et le retour remarqué de la clientèle internationale, l’hôtellerie de luxe a vécu une année 2017 sous le signe du rebond à Paris. À tel point que l’inauguration de nouveaux palaces dans les années à venir ne fait pas peur aux experts, qui prédisent des niveaux jamais atteints depuis dix ans. Depuis la crise économique mondiale en 2008, le marché parisien était resté loin des taux de fréquentation de 70 % auxquels il était habitué. En 2015 et 2016, la vague d’attentats à Paris avait aggravé les effets de la crise économique, la clientèle internationale désertant encore d’avantage les palaces de la capitale. Mais entre-temps, plusieurs adresses en ont profité pour se refaire une beauté.

À commencer par le Crillon, qui a rouvert ses portes cet été après quatre ans de travaux et une impressionnante montée en gamme. L’hôtel plus que centenaire a réduit de 147 à 124 son nombre de chambres, dont trois ont été aménagées par Karl Lagerfeld, et percé un deuxième sous-sol pour y installer un spa et une piscine. Un investissement de deux à trois millions d’euros par chambre, que son propriétaire depuis 2010, le Saoudien Mutaib Ben Abdullah Ben Abdulaziz Al-Saud, compte bien amortir rapidement. Quelques jours après le Crillon, le Fouquet’s Barrière accueillait lui aussi ses premiers clients après six mois de rénovation. En 2016, c’était le Ritz qui rouvrait ses portes après quatre ans de fermeture pour faire peau neuve…

Cette série de réouvertures répond à l’arrivée de plusieurs cinq étoiles asiatiques à Paris ces dernières années : Shangri-La, Raffles, Mandarin Oriental et Peninsula. Invalidant les craintes venant de l’extérieur, l’élargissement de l’offre hôtelière de luxe de 1 150 à 1 800 chambres depuis 2010 (+ 60 %) a été salué par un regain significatif de la fréquentation, toute proche de ses valeurs d’avant-crise. « Il aura fallu 18 mois à l’hôtellerie française pour digérer l’impact des attaques terroristes sur son territoire et en Europe, analyse Vanguelis Panayotis, président de MKG Consulting. Grâce à un excellent dernier trimestre, l’année 2017 va se conclure sur une bonne note avec des performances en nette amélioration par rapport à 2016 : on enregistre un taux d’occupation en hausse de quatre points, à 68,2 %. » Selon lui, les prix moyens dans la capitale seraient même repartis à la hausse à partir du mois d’août, repassant « dans le vert depuis le dernier trimestre » grâce au « retour des clientèles internationales, en particulier américaines et asiatiques, en France et à Paris surtout. Et la tendance devrait se poursuivre en 2018 », annonce-t-il.

À Paris intra-muros, les établissements de luxe affichent une hausse du revenu par chambre de 7,2 % par rapport à 2016 et six points de plus pour le taux d’occupation, qui s’élève à 79 %. Au premier semestre 2017, la recette unitaire par chambre disponible avait déjà bondi de 15,7 % comparée à l’année précédente « Toutes les catégories d’hôtels sont impactées par ce regain d’activité. Les hôtels haut de gamme et de luxe affichent la plus forte progression de la fréquentation », précise MKG Consulting.

Quelques difficultés loin d’être insurmontables

Malgré cette nette reprise économique, le secteur se montre toujours fortement dépendant du contexte international, comme l’ont rappelé les récentes arrestations de plusieurs propriétaires saoudiens visés par la purge en Arabie saoudite. Le prince milliardaire Alwaleed Bin Talal, qui détient notamment le George V à Paris, en est l’une des principales victimes. Ce coup de poing du nouvel homme fort du royaume wahhabite, Mohammed Ben Salman, ne concerne toutefois pas tous les propriétaires saoudiens. Mohammed Bin Issa Al-Jaber, détenteur de plusieurs hôtels parisiens quatre et cinq étoiles (La Trémoille, Hôtel Balzac, Hôtel de Vigny et Amarante Champs Élysées) via son groupe JJW Hotels & Resorts, n’a par exemple pas été inquiété. Ses positions progressistes sont en effet proches de celles du prince héritier en termes d’ouverture à l’Occident.

Avec l’ouverture du Lutetia, du Cheval Blanc et d’une quatrième Maison Albar en 2018 ainsi que de deux Sofitel en 2020 et 2021, d’autres sources de difficultés pourraient déstabiliser un marché des palaces devenu potentiellement trop étendu. S’il faut certes atteindre un remplissage moyen de 67 % pour être rentable, la multiplication de l’offre ne semble pourtant pas inquiéter les spécialistes du secteur. « Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y en a trop. Trop aujourd’hui momentanément ? Oui. À long terme ? Non !, nuance Gwenola Donnet, du cabinet de conseil JLL au micro de RTL. On est en train de s’installer dans une nouvelle normalité. En 2018, si on n’a pas un autre choc massif, je pense que les clients seront revenus et que progressivement on va absorber cette offre. » Pour amortir les centaines de millions d’euros investis, les institutions de prestige misent toujours sur les visiteurs américains, qui comptent pour 40 % de la clientèle des hôtels de luxe, et arabes (10 %), mais surtout asiatiques. Ces derniers, en plein « apprentissage du luxe », ne représentent pour l’instant que 10 % des clients mais suscitent énormément d’espoir chez les professionnels.