Taxe textile : sur les réseaux sociaux, les consommateurs montent au créneau

La nouvelle taxe sur la fast fashion voulue par le gouvernement français suscite une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. De nombreux consommateurs, souvent modestes, dénoncent une mesure injuste qui les pénalise directement. Pour beaucoup, ces plateformes comme Shein ou Temu représentent l’unique option pour s’habiller à bas prix. Témoignages.
Un débat qui dépasse la mode
À première vue, la future taxe de 5 à 10 euros sur les vêtements issus de la fast fashion pourrait apparaître comme une avancée écologique. Mais sur le terrain, la colère gronde. « Encore une fois on pénalise les gens qui n’ont pas les moyens d’aller dans les magasins et d’habiller correctement leurs enfants », déplore Cricri Corsi sur Facebook. Et ce cri du cœur est loin d’être isolé.
Dans un contexte d’inflation persistante, de stagnation des salaires et de pouvoir d’achat en berne, de nombreux Français trouvent dans ces plateformes asiatiques des solutions adaptées à leurs moyens. L’idée d’une taxation ciblant ces canaux d’achat est ainsi perçue non pas comme un levier pour une consommation plus durable, mais comme une attaque directe contre les classes populaires.
“On ne peut pas acheter ailleurs” : l’économie du bon sens
Nombre de commentaires témoignent d’un même constat : pour des millions de foyers, ces plateformes ne sont pas un choix de confort, mais une nécessité. “Moi je suis fan de Shein, même les chaussures… je ne rentre plus du tout dans les magasins de fringues. On y gagne par le prix, mais aussi des choses tellement plus gaies et le choix… tailles, couleurs… chacun fait ce qui lui plaît”, écrit Micheline Colleville.
Pascale Feldis résume une situation partagée par beaucoup : “Si Shein augmente ses prix, je n’achèterai plus de vêtements. J’userai mon stock car ma retraite ne me permet pas d’acheter en France.” Un point appuyé aussi par Doat Carmen : “Je ne sais pas comment vont faire les gens qui n’ont pas les moyens de s’habiller dans d’autres enseignes… C’est toujours les pauvres qui trinquent. L’écologie, c’est pour les riches.”
Un sentiment d’injustice sociale
Ce n’est pas tant l’écologie qui est remise en question par les internautes, mais bien l’incohérence perçue des mesures gouvernementales. Brigit Brigit ironise : “Dès qu’un service à la portée du porte-monnaie de la population ouvrière devient important sur le sol français, l’État taxe !”
Derrière cette critique affleure une perception d’un État déconnecté de la réalité quotidienne : “Toujours les mêmes qui en prennent plein la gueule”, s’indigne Yvelise Duhamel, tandis que Martine Lamberger lance un coup de gueule : “SCANDALEUX ET HONTEUX ! TOUT LE MONDE NE S’HABILLE PAS CHEZ VUITTON COMME BRIGITTE.”
Cette impression d’être pris pour cible revient de manière récurrente. Pour Guillois Asaro Martine, “Même les personnes avec peu de moyens ne pourront rien acheter. C’est une honte.” Un sentiment partagé par Stanislas Prior : “Voilà, un projet qui tape sur les petits revenus… Les gens achètent là, car c’est cher pour eux ailleurs !!!”
Une qualité défendue par les utilisateurs
Contrairement aux clichés tenaces, une large part des utilisateurs défend la durabilité des produits achetés sur ces plateformes. “Mes pulls, mes jeans, etc., viennent de Shein… Lavés et mis pendant plusieurs années, ils sont toujours là !”, affirme Corine Masson.
Lima Bravo nuance aussi le débat : “Une amie s’habille exclusivement en Shein depuis au moins trois ans. Elle se rachète de nouveaux vêtements tous les trois à six mois, achète uniquement ce dont elle a besoin et ça lui dure dans le temps.” Le soin et l’entretien des vêtements seraient donc plus déterminants que leur provenance.
D’autres insistent sur la comparaison directe avec les enseignes françaises. Malandri Carole : “Je ne vais pas acheter exactement le même produit 20 euros de plus pour leurs beaux yeux.” Elle raconte avoir retrouvé sur Amazon des produits deux fois plus chers que sur Shein, “et ce n’étaient même pas des articles très bon marché”.
Une production… identique
Un autre argument, massivement partagé, tient à la provenance réelle des vêtements. “Si vous achetez en France, vous croyez que c’est fabriqué en France, dans votre ville ?”, interroge Fifi Breion, dénonçant une hypocrisie dans le discours politique. “Regardez un jour toutes les étiquettes de ce que vous avez à la maison, vous serez surpris.”
Josiane Micaelli fait un constat similaire : “Les marques et les magasins, La Redoute, Helline, Kiabi, Blanche Porte… fabrication en Chine. Et nos portables, voitures, ça vient d’où ?” Pour elle, comme pour beaucoup, l’origine des produits vendus en France n’est pas différente de ceux des sites asiatiques, si ce n’est le prix.
Un basculement durable des pratiques ?
Certaines voix, comme Picque Myriam, annoncent un changement de comportement en réponse à la taxe : “On achètera que du 2e main.” D’autres, au contraire, affirment leur fidélité : “Même si Shein augmente ses prix sur la demande du gouvernement, je continuerai à commander chez eux”, assure Valérie Kowalczyk.
En filigrane, se pose la question de la confiance dans les circuits traditionnels de distribution. Murielle Duvette résume ainsi la frustration : “Tu ne pourras plus commander toi-même en Chine, tu devras passer par les commerces français qui eux commanderont en Chine et se gaveront au passage !”
La fracture numérique et sociale au grand jour
Ce mouvement de contestation met en lumière un fossé grandissant entre les priorités gouvernementales et les préoccupations quotidiennes des citoyens les plus modestes. Pour Marie-josé Koubbi, cette taxe s’inscrit dans une logique plus large : “Allez-y, les consommateurs dans la ligne de mire des augmentations une fois de plus.”
La perception d’un matraquage fiscal, comme l’évoque Laure Gaubert en parlant de “gouvernement Macron”, révèle aussi une perte de confiance envers les institutions. Une défiance renforcée par l’impression que ces décisions sont prises sans réelle concertation avec les principaux concernés.
Alors que la mesure est présentée comme une avancée vers une mode plus durable, elle semble avant tout raviver un sentiment d’injustice chez une frange déjà fragilisée de la population. Loin de n’être qu’un simple débat sur les vêtements, cette taxe cristallise des tensions sociales, économiques et politiques profondes.
Entre pragmatisme économique et impératif écologique, le gouvernement devra composer avec une opinion publique de plus en plus méfiante… et bruyante. Car pour beaucoup, cette fois, “c’est la taxe de trop”.