Frais de port obligatoires sur les livres : à qui profite la loi Darcos ?
Votée en avril 2023, la loi Darcos devait sauver les petites librairies grâce à des frais de port obligatoires de 3 euros sur les achats de livres en ligne en dessous de 35 euros. Selon le géant du e-commerce Amazon, cette taxe a manqué son objectif. En plus de provoquer une baisse des ventes, les plus de 100 millions d’euros collectés en deux ans seraient partis pour l’essentiel dans les caisses des hypermarchés comme Fnac, Cultura et Leclerc.
En octobre 2023, le gouvernement a mis en place la loi Darcos, votée plutôt en avril et portée par la sénatrice Laure Darcos, pour tenter de rééquilibrer le jeu concurrentiel entre les acteurs du commerce en ligne et les petites librairies. Ce texte impose aux Français de payer des frais de port obligatoires de 3 euros lorsqu’ils commandent pour moins de 35 euros de livres en ligne. Deux ans après son entrée en vigueur, il n’aurait pas atteint ses objectifs, selon Amazon.
Amazon dit que la loi Darcos profite uniquement aux grandes chaînes de la distribution
Dans une tribune publiée le lundi 8 décembre par son directeur général France Frédéric Duval, Amazon affirme qu’après deux ans d’application, plus de 100 millions d’euros ont été collectivement dépensés par les consommateurs en frais de livraison, auprès des vendeurs en ligne. Malheureusement, cet argent aurait fini pour l’essentiel dans les caisses des hypermarchés comme Fnac, Cultura et Leclerc.
Le groupe américain rapporte que seulement 26% des clients ont choisi une librairie indépendante pour payer leurs livres. Ainsi, les plus de 70% restants se tournent vers les grandes chaînes de distribution. « Les plus de 100 millions d’euros dépensés par les lecteurs en frais de port obligatoires auraient pu financer davantage de lectures, au bénéfice des éditeurs, des auteurs et de la filière », déplore Frédéric Duval.
Baisse des ventes de livres de poche en France
Alors que la loi Darcos ne profite pas aux petites librairies, Amazon note également que les ventes de livres continuent de baisser fortement en France. En deux ans, il y a eu au moins 12 millions de livres de poche restés sur les étagères des commerces. En raison des frais obligatoires, plus de la moitié des lecteurs français ont réduit leurs achats de livres neufs. Selon le cabinet GFK, le nombre de bouquins vendus en France a chuté de 3% pour la deuxième année consécutive en 2024. Pire encore, le nombre d’acheteurs a reculé de 10% sur cette seule année. Frédéric Duval croit que c’est « la pire performance dans l’UE ».
Amazon a déployé plusieurs points de retrait en zones rurales pour éviter des frais aux clients
Par ailleurs, Amazon dit constater que la loi Darcos affecte de façon disproportionnée les Français qui font déjà face à des barrières géographiques et financières d’accès à la culture. D’après le géant mondial du e-commerce, les plus touchés sont les ménages modestes et les 22 millions de Français vivant en zones rurales ou dans les communes ne disposant pas de librairie de proximité. Ces personnes doivent supporter les coûts supplémentaires ou renoncer à leurs achats de livres.
À l’inverse, Paris accueille à elle seule 20% des librairies françaises pour seulement 3% de la population nationale. Pour rééquilibrer la situation, Amazon a déployé 3 000 points de retrait, dont 70% en zones rurales. Le marchand propose aussi désormais 5% de réduction sur les livres retirés en points relais, ainsi que la livraison gratuite. Mais ces efforts ne suffisent pas à régler le problème.
Amazon a déposé un recours contre la loi Darcos
Dans sa tribune, Frédéric Duval appelle donc à « explorer les alternatives qui permettent de concilier l’objectif de soutenir un vaste réseau de librairies indépendantes et d’assurer l’égalité d’accès à la culture ». Le dirigeant cite en exemple l’Espagne, qui a instauré des tarifs postaux préférentiels pour les livres. Grâce à cette mesure, les ventes de livres ont progressé de 6% en un an dans ce pays, fait valoir le directeur général France d’Amazon.
Notons qu’Amazon a déposé en juin 2023 un recours contre la loi Darcos pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Le groupe conteste la légalité des frais de port obligatoires et dénonce de « multiples entorses au droit et à l’intérêt des consommateurs ». l’Union européenne doit se prononcer sur ce recours en 2026.




