Stockage et autoconsommation photovoltaïque en première ligne dans les DROM

Stockage et autoconsommation photovoltaïque en première ligne dans les DROM

autoconsommation-stockage-energie-la-reunionIsolés du réseau électrique continental et bien souvent dépendants des combustibles fossiles pour leur production d’électricité, les départements et régions d’outre-mer ont un intérêt tout particulier à voir la transition énergétique se concrétiser sur leur territoire. En effet, si les énergies renouvelables leur offrent l’opportunité de décarboniser leur mix énergétique, elles peuvent surtout, grâce aux nouvelles technologies de stockage de l’électricité et au déploiement progressif de l’autoconsommation, leur garantir une autonomie énergétique non négligeable dans l’avenir, compte tenu des coûts d’acheminement en vigueur pour approvisionner ces régions.   

Deux appels d’offres et 109 projets solaires en Corse et dans les DROM

 

Le jeudi 10 août 2017, le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, dévoilait les noms des 109 projets sélectionnés pour un total de 75 MW dans le cadre de deux appels d’offres lancés quelques mois plus tôt. Consacrés à la Corse et aux départements et régions d’outre-mer (la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte), ces appels d’offres voulaient mettre en avant une nouvelle fois les bénéfices du stockage de l’électricité renouvelable et de l’autoconsommation dans des territoires aux systèmes de production électrique isolés et fragiles.

67 installations équipées de dispositifs de stockage 

Disposant d’atouts indéniables en matière d’énergies vertes (soleil, vent, courants marins) mais de conditions de production irrégulières et instables liées principalement à l’intermittence des renouvelables, ces Zones non interconnectées (ZNI) au réseau sont considérées depuis plusieurs années déjà comme le terrain le plus adéquat à l’expérimentation des technologies de stockage de l’électricité. Le gouvernement y encourage la recherche et finance leur développement via le lancement d’appels d’offres réguliers. Le dernier en date ne déroge pas à la règle et présente pas moins de 67 projets solaires équipés d’accumulateurs pour une capacité totale de 63,3 mégawatts (contre 50 MW prévus à l’origine). Parmi les lauréats, 50 se sont engagés à fournir de l’électricité lors de la période de pointe de consommation (dont les groupes Quadran, NW Energy ou Urbasolar), et permettront ainsi d’améliorer le lissage et la prévisibilité de la production solaire, et de faciliter l’insertion des énergies renouvelables dans les réseaux électriques.

42 projets d’autoconsommation plébiscités 

En matière d’autoconsommation, 42 projets supplémentaires ont été sélectionnés et permettront à des bâtiments commerciaux, industriels, tertiaires ou agricoles, de consommer eux-mêmes l’électricité d’origine renouvelable qu’ils produisent ou de la valoriser auprès de tiers. Encouragée à l’échelle nationale depuis le 28 avril dernier et l’adoption par le Parlement du projet de loi relatif à l’autoconsommation d’électricité, ce nouveau mode de production décentralisé se développe progressivement et prend tout son sens dans des territoires non interconnectés au réseau continental. On retrouve parmi les lauréats les groupes Corsica Solaire, EDF Production électrique insulaire, mais également un centre commercial Leclerc corse, ou un centre touristique Pierre & Vacances guadeloupéen.

La Réunion en tête des territoires d’outre-mer innovants

 

Si tous ces projets sont répartis sur l’ensemble des territoires insulaires évoqués plus haut, certaines régions font déjà preuve d’un fort dynamisme en la matière. À La Réunion par exemple, 30 projets ont été retenus pour des installations photovoltaïques équipées de dispositifs de stockage (17) et pour des installations en autoconsommation (13). On y retrouve des projets portés par EDF ou Urbasolar, tout comme des installations pour la Step du Grand Prado, le siège de la Cinor, l’aéroport Roland-Garros ou encore le centre Aquanor de Saint-Denis.

L’île de l’océan Indien semble en effet légèrement en avance dans le domaine du stockage de l’électricité et abrite d’ores et déjà plusieurs installations expérimentales prometteuses. On peut citer dans ce cadre le nouveau dispositif électrique microgrid 100% solaire inauguré le 17 juillet dernier dans le cirque de Mafate par EDF-SEI (direction des Systèmes Energétiques Insulaires) et la start-up Powidian. Ce dispositif composé de panneaux solaires couplés à des batteries lithium et un catalyseur qui transforme cette énergie en hydrogène, permet de conserver l’énergie produite pendant plusieurs jours, voire une semaine et demi.

Derrière La Réunion, suivent la Corse avec 28 projets, la Guadeloupe avec 22 projets, la Martinique avec 15 projets, la Guyane avec 8 projets et Mayotte avec seulement 6 projets dont aucun en autoconsommation.

Des technologies solaires de plus en plus compétitives

 

Outre la primauté donnée aux techniques de stockage et à l’autoconsommation, les résultats de ces appels d’offres ont surtout mis en exergue la démocratisation croissante des technologies solaires. Avec des coûts en chute libre par rapport à l’appel d’offres précédent, l’énergie photovoltaïque dans les DOM est aujourd’hui de plus en plus compétitive. Le tarif d’achat garanti moyen de l’électricité pour les installations avec système de stockage par exemple s’élève désormais à 113,60 euros par mégawattheure (MWh), en baisse de 40% par rapport au prix qui avait été attribué lors du dernier appel d’offres, en juin 2016, et de plus de 70% par rapport aux tarifs encore en vigueur au début des années 2010.

L’ensemble des projets lauréats sont de fait très compétitifs et largement inférieurs « aux coûts complets de production dans ces zones (en moyenne supérieurs à 200€/MWh) », précise le ministère de la Transition écologique. Il faut dire que les coûts de production thermique sont beaucoup plus élevés dans ces régions qu’en France métropolitaine du fait des coûts de transport maritime des matières premières comme le gaz, le pétrole ou le charbon. Concernant l’autoconsommation, les lauréats, qui se sont engagés à plus de 90% à autoconsommer leur production, bénéficieront quant à eux d’une prime s’élevant en moyenne à 34,19 €/MWh.

Des objectifs de transition énergétique ambitieux

 

Cette baisse des coûts devrait permettre à terme de rétablir l’équilibre entre la France continentale et ses territoires isolés et de dynamiser encore davantage une filière de production photovoltaïque indispensable à leur autonomie énergétique. Que ce soit par le développement de l’autoconsommation chez les professionnels et les particuliers ou par la mise en place d’un nombre croissant de centrales solaires, ces ZNI devront atteindre, selon le texte de loi de transition énergétique d’août 2015, l’autonomie à l’horizon 2030 et démontrer dès 2020 d’une capacité de production renouvelable équivalente à 50% de leur mix électrique (seule exception, la Corse vise l’autonomie pour 2050, et 40 % d’énergies vertes dans sa production d’électricité d’ici 2023). Comme l’a rappelé Nicolas Hulot, l’objectif de ces appels d’offres est de « renforcer l’indépendance énergétique de la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte, tout en assurant une transition vers une production électrique sans carbone« .

Comptant désormais en moyenne près de 30% d’énergies renouvelables dans leur mix énergétique (solaire et hydroélectricité en majorité), la Corse et les DROM sont sur la bonne voie et devraient continuer à bénéficier d’une politique largement incitative du gouvernement. Attention toutefois au risque de surcapacités. Si la volonté politique forte et la chute des coûts prédisent en effet de beaux jours aux ZNI, l’aménagement de nouveaux moyens doit être planifié et respecter les exigences des Programmations pluriannuelles de l’énergie, spécifiques à chaque territoire ultramarin. Dans son rapport sur les charges de service public liées au développement des énergies vertes (relayés par les Echos), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a déjà mis en garde le gouvernement « sur l’adéquation des objectifs de développement de nouveaux moyens de production avec l’état du parc existant et l’évolution de la consommation afin d’éviter les situations de surcapacités ».