Financement du terrorisme en Syrie : Lafarge devant la justice

Financement du terrorisme en Syrie : Lafarge devant la justice

Le procès de Lafarge et de huit de ses anciens responsables pour « financement du terrorisme » se tiendra à partir du mercredi au 18 novembre 2025. Le cimentier français est accusé d’avoir versé plusieurs millions d’euros à des groupes rebelles syriens , entre 2013 et 2014, pour continuer ses activités dans le pays.

Quand ton passé te rattrape. Lafarge, entreprise française de matériaux de construction, doit répondre de ses actes après avoir rusé longtemps au Proche-Orient. Jugés pour « financement du terrorisme », le groupe tricolore et huit de ses anciens responsables devraient se présenter devant le tribunal correctionnel de Paris le 18 novembre 2025.

Le procès de Lafarge se tiendra entre le 18 novembre et le 19 décembre

Ce procès n’a pas pu se tenir ce mercredi 5 novembre pour un vice de procédure. Le tribunal correctionnel de Paris dit avoir constaté l’irrégularité de l’ordonnance de renvoi concernant un des prévenus, Bruno Pescheux, et a renvoyé cette ordonnance au Parquet national antiterroriste pour régularisation.

Ainsi, le procès reprendra le 18 novembre et se tiendra jusqu’au 19 décembre. « Beaucoup de nos clients ne se sont pas relevés de ce qu’ils ont vécu là-bas. On préfère un procès reporté de quelques mois, mais qui intègre pleinement ces victimes, à un procès imparfait », a déclaré Me Elise Le Gall, avocate de 58 anciens salariés syriens de Lafarge, dont 9 des 11 plaignants initiaux.

Trois questions prioritaires de constitutionnalité déposées par la défense 

Les parties civiles sont d’autant soulagées qu’il pesait la menace d’un report pur et simple du procès. En effet, les avocats des ex-salariés syriens de Lafarge avaient eux-mêmes, en accord avec leurs clients et les ONG à l’origine de la plainte (comme Sherpa et ECCH), déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Ils souhaitaient d’abord modifier la jurisprudence qui considère que l’infraction de « financement du terrorisme » ne fait pas de victimes directes, empêchant ainsi les anciens employés d’obtenir réparation pour ce qu’ils ont vécu aux abords de l’usine de Jalabiya en Syrie (rapts, violences, etc.).

Des demandes de nullités et d’irrégularité de la procédure introduites 

Au total, quatre QPC avaient été déposées. Mais toutes ont été rejetées mercredi, évitant le report du procès à plusieurs mois. Lors de cette séance, les avocats de la défense ont plaidé au moins 13 demandes de nullités, d’irrégularité de la procédure, d’incompétence du tribunal et de demande de suppléments d’information. Une question concerne en particulier Bruno Pescheux, ancien directeur de la filiale de Lafarge en Syrie, Lafarge Cement Syria (LCS), de 2008 à 2014. Le tribunal a jugé bon de renvoyer l’affaire car celle-ci s’étend sur une période plus longue que celle pour laquelle le dirigeant avait été mis en examen.

L’important est que Lafarge réponde enfin des accusations portées contre elle

Dans ce contexte, les actions de Bruno Pescheux en tant qu’ancien directeur de la filiale de LCS ont dû être ajoutées, et les dates de la prévention prolongées de juillet 2014 à septembre 2014.  « C’est une décision équilibrée du tribunal, qui conjugue l’exercice des droits de la défense avec la tenue d’un procès dans un délai raisonnable », a commenté Cannelle Lavite, co-directrice du département Entreprises et droits humains de l’ECCHR (Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains), l’une des organisations à avoir déposé plainte contre Lafarge en 2016. Pour la responsable d’ONG, « l’important est que le procès puisse se tenir, que la société Lafarge réponde enfin des accusations portées contre elle et que les salariés syriens, premières victimes de ce financement du terrorisme, puissent être entendus à l’audience ».

Un intermédiaire syrien de Lafarge toujours dans la nature 

Anna Kiefer, chargée du contentieux à Sherpa, partage cet avis. Elle se dit soulagée que le procès puisse se tenir en novembre et non dans plusieurs mois ou années, ce qui aurait été préjudiciable pour les victimes. « C’est une bonne solution qu’a trouvée la présidente du tribunal, qui va permettre de purger l’ordonnance de renvoi de toute irrégularité. », estime-t-elle.

Parmi les huit anciens responsables de Lafarge jugés figurent l’ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-gestionnaires de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, tous renvoyés devant le tribunal correctionnel. Visé par un mandat d’arrêt international, l’un des intermédiaires syriens est toujours dans la nature.