Apprentissage : les entreprises et l’État jouent le jeu de l’alternance

Apprentissage : les entreprises et l’État jouent le jeu de l’alternance

En 2019, le nombre de nouveaux apprentis a augmenté de 16 % en France. Le nouvel engouement pour cette filière s’explique par l’ensemble des mesures prises pour faciliter l’alternance, mais aussi par la forte mobilisation des entreprises.

Longtemps synonyme de voie de garage, l’apprentissage a récemment retrouvé de sa noblesse en France. Fin 2019, le nombre de jeunes en alternance s’élevait à 485 800, contre 437 000 un an plus tôt. Et la tendance se renforce encore avec une hausse de 16 % des entrées en apprentissage, qui a atteint 353 000 l’an dernier. À ce rythme, l’objectif des 500 000 alternants fixé par l’ancien président Nicolas Sarkozy semble plus que jamais à portée de main dès les prochains mois. Le retour en grâce de cette filière autrefois associée aux métiers techniques, que personne ne voulaient exercer, coïncide avec la baisse du chômage et les performances tout aussi historiques du CAC40. Ces bonnes nouvelles pour l’emploi et la compétitivité des entreprises françaises dépendent certes de nombreux autres facteurs sociaux, économiques, voire géopolitiques. Mais les multiples avantages du système d’apprentissage pour les étudiants comme pour les employeurs sont désormais davantage identifiés, reconnus et soutenus. En témoignent des chiffres en hausse à tous les niveaux : +15 % d’apprentis dans les maisons familiales rurales (MFR) ; +37 % chez les Compagnons du devoir ; + 40 % de vœux en faveur d’un apprentissage sur la plateforme d’orientation Affelnet ; et + 50 % de demandes d’ouvertures de CFA (centre de formation d’apprentis).

Des résultats probants en matière d’insertion professionnelle 

L’engouement pour l’alternance s’explique, d’une part, par les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle entamée en septembre 2018 : assouplissement des demandes d’ouverture de CFA, qui n’ont plus l’obligation d’obtenir l’autorisation des régions ; ouverture du financement par les branches de métiers ; extension de l’âge limite à 30 ans (contre 26 ans auparavant) ; possibilité d’intégration en cours d’année scolaire) ; aide de 500 euros à l’obtention du permis de conduire ; fin du recours obligatoire aux prud’hommes en cas de rupture de contrat ; etc. « C’est la réforme en cours qui a servi de détonateur, se félicite-t-on au cabinet de Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. En France, ce mode hybride mêlant formation et expérience du monde du travail avait bien besoin d’être dépoussiéré pour exprimer tout son potentiel. En 2017, seuls 10,2 % des Français de moins de 25 ans étaient en apprentissage, contre 21,7 % au Royaume-Uni, 40,3 % en Allemagne, 42,3 % au Danemark et même 59 % en Suisse ! Les résultats en matière d’insertion professionnelle sont pourtant très probants puisqu’en 2019, 74,5 % des jeunes diplômés en alternance ont trouvé un emploi dans les six mois qui suivent, soit 3 points de plus qu’en 2018.

Formule gagnant-gagnant 

Mais le nouveau souffle de l’apprentissage est aussi et surtout le fait des petites et grandes entreprises françaises, qui ont su s’approprier et valoriser ce dispositif pour en redorer le blason. Grâce aux simplifications administratives et juridiques, elles sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience des avantages de cette filière. « La réforme de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, votée en septembre 2018 mais qui prendra son plein effet en 2020, va déclencher une lame de fond », prédit Anna Notarianni, directrice générale du groupe de restauration collective Sodexo en France. Du côté des PME, la plateforme Walt (pour « We are ALTernants ») a vu le jour début 2019 afin de promouvoir, informer et orienter les candidats à l’alternance. Lancé par six organismes de formation dont les Compagnons du devoir et les MFR, Walt est partenaire de l’organisme paritaire collecteur agréé Opcalia, qui diffuse ses offres d’apprentissage auprès de 70 000 entreprises, dont 90 % de TPE et PME, d’après Olivier Gauvin, directeur du pôle innovation chez Opcalia. Du côté des grandes entreprises, la réforme de l’alternance a permis de simplifier l’ouverture de CFA. Les employeurs peuvent désormais ouvrir leurs propres établissements afin de former les étudiants à leurs méthodes, en fonction de leurs besoins. « On s’en rend compte enfin, mais c’est une formule gagnant-gagnant pour tout le monde », constate l’économiste Bertrand Martinot dans un article de Capital.

Avec plus de 6 000 alternants sur l’ensemble de ses métiers en France, soit plus d’un alternant sur 100, EDF fait partie des entreprises préférées des étudiants pour réaliser leur apprentissage. L’énergéticien se place en effet en deuxième position du classement ChooseMyCompagny/HappyIndexTrainees 2020 parmi les groupes accueillant plus de 1 000 stagiaires et alternants par an. Chez EDF, l’alternance est synonyme d’insertion professionnelle puisqu’un salarié sur trois recruté en 2019 a effectué un contrat d’apprentissage au sein du groupe. Preuve de son engagement en faveur de cette filière, EDF organise notamment le concours Altern’up, qui encourage la création d’entreprise par des alternants. Jean-Bernard Levy, PDG du groupe, préside la Fondation innovations pour les apprentissages (FIPA) depuis 2016. Nous avons fait de l’alternance un élément clé de notre stratégie industrielle et de notre ambition humaine. L’industrie de l’énergie connaît des transformations majeures qui ouvrent des perspectives professionnelles stimulantes pour les jeunes.” fait valoir Christophe Carval, DRH EDF. Comme EDF, d’autres grandes entreprises sont fortement mobilisées pour l’apprentissage. C’est notamment le cas de Veolia, spécialiste du traitement de l’eau et des déchets, qui en 2019, comptait 1 636 alternants en France et 2 600 dans le monde. Pour son PDG, Antoine Frérot, « le développement de l’apprentissage est vital pour l’intégration économique et sociale des jeunes et pour la performance du groupe ». À travers son Pacte pour l’alternance, Veolia espère atteindre 2 500 alternants en France d’ici 2022 afin d’accompagner son propre développement.