Les buralistes se mobilisent pour dénoncer les effets pervers du paquet neutre

Les buralistes se mobilisent pour dénoncer les effets pervers du paquet neutre

manifestation des buralistesLes buralistes sont mécontents, et ils le font savoir. Ce mardi 8 septembre, ils manifestaient aux quatre coins du pays pour protester contre le projet de paquet de cigarettes neutre, porté envers et contre tout par Marisol Touraine. Révulsés d’être perçus comme « des monstres, des voyous, des vendeurs de drogue », ils pointent du doigt une mesure stigmatisante, dont la dangerosité pour leur profession n’a d’égal que l’inefficacité en matière de santé publique. Difficile de ne pas leur donner raison.  

Tombereaux de carottes déversés devant le ministère des Finances et les préfectures, pétards, radars bâchés, lâcher de ballons… Ce mardi 8 septembre, les milliers de débitants de tabac mobilisés dans les départements de France n’ont pas lésiné sur les moyens pour attirer l’attention sur eux. Leur combat prend de l’ampleur, au grand dam de Marisol Touraine, ministre de la Santé en quête de visibilité qui ne pensait sans doute pas que si la mesure lui apporterait bel et bien une certaine forme de notoriété, ce serait pour de mauvaises raisons.

Il faut dire que ces dernières semaines, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les effets pervers du paquet de cigarettes neutre. Les buralistes craignent que, couplé à l’augmentation continue des prix du tabac, il n’entraine la mort de leurs commerces. Comment ? En détournant les clients du réseau de distribution officiel pour les diriger vers la contrebande, déjà pourvoyeuse de 26 % des cigarettes fumées dans le pays. S’il apparaît logique que les fumeurs préfèrent en effet payer deux à trois fois moins cher leur paquet en faisant appel au commerce transfrontalier (chacun sait qu’à Andorre, par exemple, le tabac est beaucoup moins taxé qu’en France), le paquet de cigarettes neutre pourrait également représenter un appel d’air considérable pour la contrefaçon.

Là encore, pas besoin de déployer des trésors d’imagination pour se le représenter. Un paquet neutre, c’est un paquet privé de tout signe distinctif. Tous seront vert kaki, quelle que soit leur marque. Rien de plus simple que de les contrefaire, donc. Par contagion, la désertion des bureaux de tabac par les fumeurs pourrait également rejaillir sur la vente de jeux et d’articles de presse qu’on y trouve, puisque les fumeurs sont par ailleurs également consommateurs de ce type de produits. Enfin, tous les buralistes s’accordent à dire que le paquet neutre représentera une vraie corvée sur le plan logistique, le temps de rangement des paquets dans les rayons étant multiplié par deux à cause d’eux, puisqu’ils ne sont pas identifiables. Quant au temps passé à chercher le bon paquet avant de pouvoir le servir au client, n’en parlons pas…

Voilà donc une mesure qui propose ni plus ni moins de détruire à la sulfateuse un pan entier de l’économie française et de diminuer considérablement les recettes fiscales de l’Etat (on parle de deux milliards d’euros de pertes pour la Sécurité sociale tout de même) sans remplir par ailleurs l’objectif premier qui lui est imparti : la baisse du tabagisme. En effet, si le paquet neutre ne fait qu’aiguiller les fumeurs vers le marché parallèle, où est l’intérêt ? En fait, en incitant les fumeurs à opter pour un circuit de distribution de contrebande, où les paquets sont moins chers, il se pourrait bien que le paquet neutre aboutisse tout au contraire à une augmentation du tabagisme, puisque chacun saura désormais où trouver des cigarettes bon marché.

Le paquet neutre n’a pas encore définitivement gagné sa place au sein du projet de loi sur la Santé, le Sénat lui ayant préféré, en première lecture, l’application d’une directive européenne mettant en place un paquet bardé d’images chocs et de messages sanitaires, mais toujours identifiable selon la marque. Marisol Touraine a cependant annoncé la réintroduction de la mesure par amendement, avant que le Sénat ne se penche de nouveau sur la question, lundi 14 septembre. S’il venait à la rejeter de nouveau, « elle demanderait aux députés de confirmer leur vote de première lecture en faveur de cette mesure ». La bataille au sujet du paquet neutre est donc loin d’être jouée, toujours est-il que si elle venait à être remportée par Marisol Touraine, la ministre en sortirait seule vainqueur. Les perdants, eux, seraient nombreux : les buralistes, les caisses de l’Etat et la santé des Français en sortiraient affaiblis.