Comment l’uranium est-il devenu une matière valorisable ?

Comment l’uranium est-il devenu une matière valorisable ?

uranium-matiere-valorisable-nucleaire

Essentiel à la production d’énergie nucléaire, l’uranium est un élément aussi riche et complexe que méconnu. En France, son utilisation ne produit qu’un infime minorité de déchets. Dans son immense majorité, l’uranium est en effet réutilisable grâce au savoir-faire développé par l’industrie nucléaire française…

Moins d’un an après la concertation sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et seulement un mois après la fin du Grand débat national, une nouvelle consultation publique s’apprête à s’ouvrir du 17 avril au 25 septembre. Pendant cinq mois, le Plan national de gestion des matières et déchet radioactifs (PNGMDR) consistera, comme son nom l’indique, en un état des lieux des solutions existantes et futures en matière de traitement, de recyclage et de stockage. Si l’objet de cette réflexion pilotée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) porte en partie sur les 4 % de déchets résultant de l’activité nucléaire, elle concerne aussi et surtout les matières radioactives, qui constituent 96 % du combustible usé. En France, l’intérêt de ces substances réside dans le fait qu’elles peuvent être réutilisées ultérieurement après traitement. Les matières valorisables sont essentiellement constituées d’uranium sous ses différentes formes : uranium naturel extrait de la mine, uranium naturel enrichi, uranium appauvri et uranium issu de retraitement des combustibles usés.

Uranium : enrichi, appauvri, réenrichi ou recyclé

 

Une fois extrait, l’uranium naturel est enrichi pour fabriquer un combustible servant à alimenter les réacteurs nucléaires, et ainsi produire de l’électricité. De cette transformation résulte également de l’uranium appauvri, qui peut être soit réenrichi pour fabriquer du combustible standard (UOX), soit retraité pour fabriquer du combustible MOX. Ce mélange d’oxydes est constitué d’environ 91,5 % uranium appauvri et 8,5 % de plutonium, lui aussi résultant de la fission nucléaire. Assemblé dans l’usine Melox de Marcoule (Gard) après séparation et retraitement à l’usine de La Hague (Manche), le MOX permet de recycler l’immense majorité des résidus de l’activité nucléaire pour constituer le cycle fermé du combustible. Né de la recherche de l’industrie nucléaire française, il alimente 24 des 58 réacteurs du pays pour produire plus de 10 % de l’électricité nationale d’origine nucléaire. Cette pratique permet en outre de réduire par cinq le volume et par dix la toxicité des déchets radioactifs, contrairement à des nations comme la Finlande ou la Suède qui ne valorisent pas les matières radioactives. La dernière forme de recyclage d’uranium est justement celui issu du traitement du combustible usé. Une fois réenrichi, il est utilisé pour la fabrication de nouveau combustible. D’autres résidus radioactifs peuvent être réutilisés de manière plus marginale comme le plutonium séparé (pour le MOX), le thorium (en vue d’un futur cycle thorium) et les matières en suspension (pour récupérer les terres rares utilisées pour fabriquer des écrans, batteries et autre fibres optiques).

Abondance de réserves et d’innovation

 

En France, l’approvisionnement en uranium s’effectue intégralement à l’étranger depuis la fin de l’extraction nationale en 2001. Contrairement aux énergies fossiles comme le pétrole, aux réserves limitées, les ressources en uranium naturel sont abondantes et bien réparties à travers la planète. 44 % d’entre elles se trouvent dans les pays de l’OCDE et 22 % dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), réduisant a priori les risques de tensions géopolitiques. Les plus importants gisements du monde sont situés sur les cinq continents : Niger, Afrique du Sud, Kazakhstan, Ouzbékistan, Chine, Mongolie, Ukraine, Russie, Australie, Canada, Brésil et États-Unis. D’après les données de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), les réserves identifiées à coût raisonnable (5,9 millions de tonnes à moins de 130 dollars le kilo) représentent près d’un siècle de consommation mondiale. Celles d’un coût supérieur (7,63 millions de tonnes à moins de 260 dollars le kilo) pourraient pourvoir à la production d’énergie nucléaire pour environ un siècle supplémentaire, en fonction de l’évolution de la demande et de l’état du marché énergétique. Et compte tenu des 10,6 millions de tonnes de gisement additionnel prédites par les études géologiques, les ressources en uranium seraient suffisantes pour les trois ou quatre siècles à venir. Avec l’essor de la production nucléaire en Asie (Chine et Inde en particulier), il y a fort à parier que la technologie devrait continuer à se perfectionner pour optimiser le rendement du combustible. À l’image du MOX, des réacteurs EPR de 1 650 MW et des futurs réacteurs à neutron rapides de quatrième génération, l’innovation joue un rôle majeur dans les progrès de l’atome. Après avoir été pionnier de l’économie circulaire avec la mise en place du cycle fermé dès 1974, le nucléaire deviendra-t-il un jour une source d’énergie renouvelable ?