Afrique de l’Ouest, la ruée vers l’or

Afrique de l’Ouest, la ruée vers l’or

Encore largement sous-exploité, le potentiel aurifère de l’Afrique de l’Ouest attise les appétits des acteurs du secteur. Bien décidés à profiter de cette manne, les pays qui disposent de réserves d’or, comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, facilitent les investissements des sociétés étrangères qui se livrent une féroce bataille dans l’attribution des mines d’or.

Une nouvelle mine d’or en Côte d’Ivoire. Le 2 janvier, la compagnie minière australienne Tietto Minerals a officiellement annoncé l’achèvement des travaux de la mine d’Abujar, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Yamoussoukro. « Construire une mine d’or de la taille d’Abujar en moins de douze mois est une réussite monumentale », s’est félicitée la direction de la société, qui table sur une production annuelle de 260 000 onces d’or. L’ouverture de ces nouveaux équipements devrait permettre à la Côte d’Ivoire d’atteindre l’objectif, fixé par le gouvernement du président Alassane Ouattara, de 65 tonnes d’or par an d’ici à 2025. Les autorités ivoiriennes misent également, à la même échéance, sur un doublement de la contribution du secteur minier au PIB de la Côte d’Ivoire, contribution qu’elles espèrent voir atteindre 6% de la richesse nationale.

Avec l’entrée en service de la mine d’Abujar, la Côte d’Ivoire conforte son rang de grand producteur d’or sur le continent africain. Mais d’autres pays de la sous-région placent aussi leurs pions dans la compétition pour le précieux minerai. A l’image du Sénégal voisin qui, s’il fait encore figure d’outsider sur le marché, veut lui aussi augmenter la contribution du secteur minier à son économie, qui stagne en-dessous de 4% du PIB. Le pays d’Afrique de l’Ouest encourage ainsi les investissements étrangers dans le secteur, comme à Diamba, à la frontière avec le Mali, où une nouvelle mine d’or est actuellement en construction pour le compte d’une autre société australienne, Chesser Ressources. Ici, ce sont quelque 715 000 onces d’or qui devraient, selon les estimations de la compagnie, sortir de terre au terme des sept années d’exploitation prévisionnelles.

Un potentiel exceptionnel

Les exemples ivoirien et sénégalais sont révélateurs du potentiel aurifère de l’Afrique de l’Ouest, qui demeure encore largement sous-exploité. La sous-région africaine se hisse en effet au troisième rang mondial en termes de réserves d’or, derrière l’Australie et le Canada. Preuve de l’engouement, pour ne pas dire de la fièvre, qui s’est récemment emparé des acteurs du secteur, trois pays ouest-africains – Ghana (142 tonnes d’or en 2019), Mali (61 tonnes) et Burkina Faso (51 tonnes) – se hissent désormais dans le top 5 des pays du continent en matière de production d’or. Et leurs voisins n’ont pas l’intention de se laisser distancer, comme en témoigne le boom du secteur en Côte d’Ivoire qui, avec six mines industrielles, a vu passer sa production de 7 tonnes en 2009 à 30 tonnes dix ans plus tard.

« L’Afrique de l’Ouest a plus de potentiel que n’importe quelle autre région de la planète. Sa géologie est semblable à celle du nord de l’Ontario, du Québec ou de l’Australie-Occidentale, des ceintures exceptionnellement prolifiques », explique à Jeune Afrique Richard Young, le patron du groupe minier canadien Teranga Gold Corporation (TGC), qui est présent au Sénégal et au Burkina Faso. Mais, pour profiter à l’ensemble de l’écosystème, cette manne aurifère doit pouvoir s’appuyer sur une simplification des codes miniers en vigueur (notamment sur la question, sensible, des délais d’obtention de permis miniers), ainsi que sur la sécurisation – juridique et, par endroits, militaire – des pays concernés. L’encadrement de l’orpaillage illégal et des mines artisanales fait également partie des défis que les pays d’Afrique de l’Ouest doivent encore relever pour assainir le climat des affaires et rassurer pleinement les investisseurs étrangers.

La Russie met le grappin sur les mines du Burkina

Parmi ces derniers, les sociétés russes font une entrée remarquée bien que tardive sur le marché ouest-africain. Alors que certains pays, comme le Mali ou le Burkina Faso, se détournent des anciennes puissances coloniales comme la France pour se rapprocher de Moscou, les acteurs russes de l’or ont… senti le filon. Au Burkina, où l’or est devenu, devant le coton, le premier produit d’exportation, les nouvelles autorités issues du putsch militaire d’octobre dernier ont ainsi octroyé une mine d’or au groupe russe Nordgold, qui exploitait déjà plusieurs gisements dans ce pays secoué par les violences djihadistes. Un signe, parmi bien d’autres, que le potentiel aurifère de la sous-région attise les convoitises et les appétits du monde entier.